Barnum le Grand
Il avait un vieil oncle dont la maison l'avait ravi souvent, par le passé, lorsqu'adolescent il découvrait au gré de visites contingentes les formes données par ses aînés aux écrins de leurs rêves. Celle-là était un mélange de littéralisme joueur — ainsi les boutons de porte étaient de vrais boutons de vêtements de toute sorte, en bois, plastique, nacre, métal et autres, ronds, carrés, convexes, concaves et autres, [types de relief] et autres, simplement de taille adaptée à leur fonction présente, qui demeurait de les ouvrir, hormis (non quant à la fonction, mais à l'apparence) l'un d'eux qui ressemblait davantage à une pustule pubertaire et menait à "la chambre de Marcel" (en fait, un salon de lecture) — et de dispersion fantasque, illisible mais ensorcelante, vous emmenant, à condition d'accepter une entière incertitude concernant le chemin et sa durée future, toujours vers des destinations nouvelles et insolites : car de fait, en tournant l'un de ces boutons boutons, on ne savait jamais dans quel sens et jusqu'à quel angle le battant pivoterait sur ses gonds (ni parfois sur quels gonds, certains en possédant plusieurs jeux savamment étalonnés) et ainsi dans quelle pièce (il semblait en exister un nombre infini, aux yeux enchantés des enfants, alors que bien sûr c'était l'oncle qui renouvelait perpétuellement leur décoration, selon des vagues d'inspiration aussi régulières que l'océan, et imprévisibles) on finirait par se retrouver.
Ainsi, en débutant son propre ouvrage à l'ébauche de la quarantaine, il avait voulu lui rendre hommage en plaçant, sur le sol encore vierge du terrain récemment arpenté, un bouton.